Mon interrogation concerne le hadith rapporté par Abû Hurayra (qu’Allah l’agrée) : lorsque le démon lui dit : « Récite Ayat al-Kursî ». Comment est-il possible qu’un démon oriente l’homme vers un bien et l’incite à un acte vertueux, alors qu’il est notre ennemi ? Le Coran a clairement exposé l’hostilité d’Iblîs envers l’homme, son désir constant de lui nuire en toute chose, et ses tentatives incessantes pour l’égarer. De plus, il est mensonger par essence, comme il a menti à Adam et l’a fait sortir du Paradis. Les versets et les hadiths mettent en garde, sans exception, contre lui et ses ruses.

Louange à Allah et que la paix et la bénédiction soient sur Son Prophète et Messager, Mohammed, ainsi que sur sa famille et ses Compagnons :

Le hadith évoqué dans la question est rapporté sous plusieurs versions, parmi les plus connues :
Ce qu’a mentionné l’imam al-Boukhari dans son Sahîh, ainsi qu’al-Nassâ’î dans al-Sunan al-Kubrâ et Ibn Khuzayma dans son Sahîh. Le texte, tel qu’il figure dans Sahîh al-Boukhari, d’après Abû Hurayra (qu’Allah soit satisfait de lui), est le suivant :
« Le Messager d’Allah () m’avait chargé de garder la zakât de Ramadan. Alors, un intrus vint puiser dans la nourriture. Je l’arrêtai et lui dis : “Par Allah, je vais te livrer au Messager d’Allah !” Il répondit : “J’en ai grand besoin, j’ai une famille à charge et je suis dans une situation difficile.” Alors je le relâchai. Le lendemain matin, le Prophète () me demanda : “Ô Abû Hurayra, qu’a fait ton prisonnier de la nuit dernière ?” Je répondis : “Ô Messager d’Allah, il s’est plaint d’un grand besoin et de sa famille, alors j’ai eu pitié de lui et je l’ai laissé partir.” [...] La troisième fois qu’il revint, je l’arrêtai encore et dis : “C’est la dernière fois ! Tu prétends ne pas revenir, mais tu reviens à chaque fois ! Je vais vraiment te livrer au Prophète.” Il dit alors : “Relâche-moi, et je t’enseignerai quelques paroles par lesquelles Allah t’apportera un grand bénéfice.” Je demandai : “Lesquelles ?” Il dit : “Lorsque tu t’allonges sur ton lit, récite Ayat al-Kursî : Allah ! Il n’y a de divinité que Lui, le Vivant, Celui qui subsiste par Lui-même... jusqu’à la fin du verset. Tu seras ainsi sous la garde d’Allah, et aucun démon ne s’approchera de toi jusqu’au matin.” Lorsque je rapportai cela au Prophète (), il dit : “Il t’a dit la vérité, alors qu’il est un grand menteur. Sais-tu avec qui tu dialoguais ces trois nuits, ô Abû Hurayra ?” Je répondis : “Non.” Il dit : “C’était un démon.” »
Ce hadith a été rapporté par al-Boukhari dans le chapitre relatif à la description d’Iblîs et de ses soldats. Il n’est précisé dans aucune des versions de ce hadith que le démon en question était Iblîs en personne, mais plutôt l’un des démons parmi les jinns, comme l’indique la parole du Prophète () : « Il t’a dit la vérité, alors qu’il est un grand menteur, c’était un sahaytân (démon). » L’expression indéfinie (shaytân) englobe tout démon. Allah dit à propos des jinns :
« Il est parmi nous des vertueux, et d’autres qui ne le sont pas ; nous suivons des voies diverses. » (Coran 72/11). Ainsi, tout jinn malfaisant est appelé démon.
Malgré sa nature mauvaise, il n’est pas impossible qu’un démon dise une vérité ou mentionne une chose bénéfique pour les fils d’Adam, d’autant plus qu’il était retenu prisonnier et voulait à tout prix obtenir sa libérté, comme l’indique la parole du Prophète () : « Qu’a fait ton prisonnier ? »
Le Coran atteste également qu’Allah a soumis les démons au service du Prophète Sulaymân (Salomon, paix sur lui), et ils accomplissaient des tâches utiles, bien qu’asservis de force :
« Nous lui avons assujetti le vent qui, par Son ordre, soufflait doucement où il voulait, ainsi que les démons, constructeurs et plongeurs, et d’autres encore enchaînés. » (Coran 38/36-38).
Par ailleurs, le mérite d’Ayat al-Kursî ne repose pas sur la parole du démon, mais sur la confirmation du Prophète (), lorsqu’il dit : « Il t’a dit la vérité, alors qu’il est un grand menteur », attestant ainsi l’authenticité de ce bienfait.
Allah dit :
« Ô vous qui avez cru ! Si un pervers vous apporte une nouvelle, alors vérifiez-en la véracité. » (Coran 49/6). Ce verset n’ordonne pas de rejeter systématiquement la parole d’un pervers, mais plutôt d’en vérifier la justesse.
Ibn Hajar, dans Fath al-Bârî, a commenté ce hadith en disant :
« Ce récit montre que la sagesse peut parvenir à un pervers qui n’en tirera aucun profit, mais d’autres peuvent en bénéficier en la rapportant. Il enseigne aussi qu’un menteur peut, parfois, dire vrai. »

Et Allah sait mieux.