Méthodes de la Sunna prophétique pour renforcer les droits du voisin

15/09/2025| IslamWeb

 

Méthodes de la Sunna prophétique pour renforcer les droits du voisin

 

 

Les Limites de ce qu’est le voisinage :

 

 

La notion de voisin est sujette à divergence parmi les savants. Le terme désigne-t-il le voisin immédiat ? Ou bien celui qui partage avec vous des lieux communs comme la mosquée, entre autres ? Ou encore s'étend-elle à la quarantaine d’habitations comme mentionné dans certaines traditions ? A moins que cela ne dépende des coutumes ?

 

 

Dans Al-Sunan al-Kubra d’al-Bayhaqi, d’après, ʻȂʼichah, (qu’Allah soit satisfait d’elle), le Prophète () a dit : « Djibrîl (Gabriel), , m’a recommandé d’être bon avec mes voisins et la limite du voisinage est fixée à quarante maisons dans chaque sens ».

 

 

Dans Al-Muʻjam al-Kabîr dʼal-Tabarani, d’après Kaʻb ibn Mâlik (qu’Allah soit satisfait de lui), il est rapporté qu’un homme est venu voir le Prophète () et lui a dit : « Ô Messager d’Allah, je me suis installé dans le quartier des Banû Untel, et le plus nuisible parmi eux est le plus proche de ma maison. Le Prophète () a alors envoyé Abou Bakr, ‘Omar et ‘Ali pour aller à la mosquée, se tenir à sa porte et proclamer : ‘‘Sachez que la limite du voisinage est de quarante maisons et que celui qui fait du tort à son voisin n’entrera pas au Paradis’’ ».

 

 

Al-ʻAyni, dans son ouvrage ʻUmdat al-Qâri, rapporte qu’il y a divergence quant aux limites du voisinage. « Selon ‘Ali, (qu’Allah soit satisfait de lui), est considéré comme voisin celui qui est en mesure d’entendre l'appel à la prière. Il est également dit : ‘‘Celui qui prie avec vous la prière de l’aube à la mosquée est votre voisin’’. Selon ʻȂʼichah, (qu’Allah soit satisfait d’elle) : ‘‘Les droits du voisinage s’étendent à quarante maisons situées à la ronde’’. Al-Awzâʻi a exprimé une opinion similaire ».

 

 

Al-Qurtubi mentionne que « le terme (voisin) au sens large, désigne une personne habitant à proximité du lieu de notre habitation, et cela est le sens le plus courant ».

 

 

Si le hadith est authentique, il constitue une preuve ; sinon, la détermination du voisinage revient aux coutumes en vigueur, comme l’a indiqué Ibn Qudâmah dans al-Mughni. Ainsi, le voisin est celui que les gens considèrent comme tel. Les coutumes ayant évolué, il est désormais difficile pour une personne de s’acquitter des droits envers ceux qui habitent dans les quarante maisons environnantes, surtout en tenant compte de l’expansion des constructions et les changements survenus par rapport à l’époque prophétique.

 

 

Généralités concernant le voisin :

Ibn Hajar, dans Fat-h al-Bâri, a dit : « Le terme (voisin) inclut le musulman et le non-musulman, le pieux et le pervers, l'ami et l'ennemi, l'étranger et le résident local, le bienveillant et le mauvais, le proche et le lointain, celui dont la maison est la plus proche et celui dont la maison est la plus éloignée. Le voisinage comporte différents niveaux, certains plus élevés que d'autres. Le degré le plus élevé est celui où toutes les qualités positives sont réunies, puis viennent ceux qui en détiennent plus que d’autres, et ainsi de suite. Inversement, le degré le plus bas est celui où se réunissent les pires caractéristiques. Chacun, par conséquent, doit recevoir ce qui lui est dû en termes de respect, en fonction de sa situation ».

Il rapporte également une réflexion intéressante dʼIbn Abou Jamrah concernant le droit du voisin qui dit: « Si le droit du voisin est affirmé malgré les obstacles existants entre une personne et son voisin, et puisqu'il est ordonné de le respecter, de faire preuve de bienveillance envers lui afin de lui éviter toute source de nuisance, il semble alors nécessaire de respecter de la même façon les droits des anges gardiens devant qui ne se dresse ni mur ni obstacle entre eux et celui qu’ils surveillent. Commettre des péchés signifierait alors les offenser, car les bonnes actions les réjouissent et les mauvaises les attristent. Comment ne pas veiller à les respecter en multipliant les bonnes actions et en s'abstenant des péchés, car ils méritent encore plus d'attention que de nombreux voisins ».

 

 

De quelles façons la Sunna prophétique encourage le respect des droits du voisin ?

 

 

Premièrement : Nier la foi de ceux qui négligent les droits du voisin

L'importance des droits du voisin est mise en évidence dans la Sunna prophétique par la négation de la foi de celui qui nuit à son voisin, ou encore de celui qui n’est pas parvenu à aimer pour son voisin ce qu'il aime pour lui-même, ou encore de celui dont le voisin n'est pas à l'abri de ses méfaits.

Dans le Sahîh Mouslim, Anas (qu’Allah soit satisfait de lui) rapporte que le Prophète () a dit : « Par Celui qui détient mon âme, aucun serviteur ne possède une foi véritable jusqu'à ce qu'il aime pour son voisin ou son frère ce qu'il aime pour lui-même ».

Dans le Sahîh al-Boukhari, d’après Abou churayh (qu’Allah soit satisfait de lui), le Prophète () a dit : « Par Allah, il n’est pas croyant, par Allah, il n’est pas croyant, par Allah, il n’est pas croyant !» On lui demanda : « Qui donc, ô Messager d'Allah ?» Il répondit : « Celui dont le voisin n’est pas à l’abri de sa méchanceté et de ses maux (de ses bawâ’iq) ». Le terme arabe « bawâʼiq » (pl. de bâʼiqah) désigne l'injustice, le mal et toute conduite blessante.

Dans les deux Sahîhs, d’après Abou Horayrah (qu’Allah soit satisfait de lui), le Prophète () a dit : « Que celui qui croit en Allah et au Jour dernier ne dise que du bien ou qu’il se taise. Que celui qui croit en Allah et au Jour dernier soit bienfaisant envers son voisin. Que celui qui croit en Allah et au Jour dernier traite son hôte avec égards ».

Dans le Sahîh al-Bukhari, d’après Abou Horayrah (qu’Allah soit satisfait de lui), le Prophète, , a dit : « Que celui qui croit en Allah et au Jour dernier ne nuise pas à son voisin ».

Les commentateurs expliquent que la négation de la foi dans ces hadiths peut être comprise de deux manières : soit elle concerne celui qui considère ces actes comme licites, soit elle indique une absence de foi parfaite.

Dans tous les cas, les droits du voisin sont étroitement liés à la question de la foi et ceci montre leur importance et leur grande valeur. Ces hadiths indiquent clairement que celui qui respecte les droits de son voisin a une foi parfaite, tandis qu’on considère la foi de celui qui ne réalise pas cela comme déficiente.

 

 

Deuxièmement : Informer que la bienfaisance envers les voisins est un signe de bonté

Ce qui est mentionné dans la Sunna montre que celui qui est bon envers son voisin, en agissant avec lui de façon bienfaisante, et en évitant de lui occasionner le moindre désagrément, démontre ainsi un signe de sa bonté auprès d’Allah, le Tout-Puissant. C'est un critère prophétique que l'on peut utiliser pour s’évaluer soi-même ainsi qu’évaluer les autres, à travers le comportement établi avec les voisins.

 

 

Dans les Sunan d’al-Tirmidhi, ʻAbdallah ibn ʻAmr (qu’Allah soit satisfait de lui), rapporte que le Messager d’Allah () a dit : « Le meilleur des compagnons auprès d’Allah est celui qui est le meilleur envers son compagnon, et le meilleur des voisins auprès d’Allah est celui qui est le meilleur envers son voisin ».

 

 

Il a également indiqué que les louanges ou les critiques des voisins sont des preuves d’excellence du comportement ou de la malfaisance. Dans les Sunan d'Ibn Mâjah, Ibn Masʻoud, (qu’Allah soit satisfait de lui) rapporte qu'un homme a dit au Prophète () : « Ô Messager d’Allah ! Comment puis-je savoir si j'ai fait du bien ou du mal à mes voisins ?» Le Prophète () répondit : « Si tu les entends louer ta bienfaisance, alors sache que tu as été bienveillant ; et si tu les entends déplorer ton outrage à leur endroit, c’est que tu les as offensés ».

 

 

Ce hadith signifie que si tous ses voisins s'accordent à le louer pour les bienfaits qu’il démontre, alors il est considéré comme bienfaisant, et inversement. Al-Harawi, dans Mirqât al-Mafâtîh charh Michkât al-Masâbîh, explique que le terme « tes voisins » désigne l’ensemble de tous les voisins, car il est rare qu'ils s'accordent tous sur l'erreur.

 

 

Troisièmement : rendre effrayantes les conséquences du mal fait au voisin et encourager toute bienfaisance envers lui

Les méthodes prophétiques pour mettre en garde contre le mal fait aux voisins incluent la menace du feu de l’Enfer, indiquant que le mal commis à l’encontre de son voisin entraîne un châtiment dans l'au-delà. En revanche, les actions louables envers les voisins, si petites soient-elles, et le fait de s'abstenir de leur porter préjudice, permettent d’ouvrir les portes du Paradis.

Dans le Musnad de l'imam Ahmad, Abou Horayrah, (qu’Allah soit satisfait de lui), rapporte qu'un homme a dit : « Ô Messager d’Allah, Untelle est mentionnée pour la fréquence de ses prières, de ses jeûnes et de ses aumônes, mais elle nuit à ses voisins par ses paroles. » Le Prophète () a répondu : « Elle est en Enfer ». L'homme a dit : « Ô Messager d’Allah, et Untelle est mentionnée pour la rareté de ses jeûnes, de ses aumônes et de ses prières, mais elle donne en aumône des morceaux de lait caillé (al-athwâr) et ne nuit pas à ses voisins par ses paroles ». Le Prophète () répondit : « Elle est au Paradis ».

 

 

Les morceaux de lait caillé (al-athwâr) sont des morceaux de lait séché, indiquant que ses aumônes sont très modestes.

Dans al-Mirqât fî al-Michkât, al-Harawi explique que le Prophète () a dit de la seconde femme qu'elle est au Paradis parce que « l'essentiel de la religion repose sur l'accomplissement des obligations et le fait de s’abstenir de commettre des péchés. Il n'y a aucun avantage à rechercher un surplus de bienfaits tout en négligeant les fondations sur lesquelles repose la religion ».

 

 

Quatrièmement : Précisions sur certains droits du voisin

Le principe de base est que si le voisin est musulman, alors il a les droits connus à l’attention des musulmans, mais la Sunna stipule que certains des droits du voisin nécessite davantage d’attention.

1. Offrir de la nourriture :

Dans les deux Sahîhs, d'Abou Horayrah (qu’Allah soit satisfait de lui), le Messager d’Allah () disait : « Ô femmes musulmanes, qu'aucune d’entre vous ne mésestime jamais ce que lui offre sa voisine, même s'il ne s'agit que d'un sabot de brebis ».

 

 

Dans le Musnad de l'imam Ahmad, ‘Omar ibn al-Khattâb (qu’Allah soit satisfait de lui) rapporte : « J'ai entendu le Messager d’Allah () dire : ‘‘ Qu'un homme ne se rassasie pas sans s’assurer que son voisin ne soit également rassasié’’ ».

 

 

Al-Boukhari rapporte dans al-Adab al-Mufrad, d'après Ibn ʻAbbâs (qu’Allah soit satisfait de lui) : « J'ai entendu le Prophète () dire : ‘‘N'est pas croyant celui qui se rassasie alors que son voisin est affamé’’ ».

 

 

Dans le Sahîh de Mouslim, d'après ʻAbdallah ibn al-Sâmit, d'après Abou Dharr (qu’Allah soit satisfait de lui), le Messager d’Allah, , a dit : « O Abu Dharr ! Lorsque tu prépares du bouillon, mets-y suffisamment d’eau, et prends soin de tes voisins ».

 

 

2. La bienveillance entre voisins

Dans les deux Sahîhs, d'après Abou Horayrah (qu’Allah soit satisfait de lui), le Messager d’Allah () a dit : « Que l'un de vous ne refuse pas à son voisin la permission de planter [une poutre] de bois dans son mur ». Puis Abou Horayrah a dit : « Pourquoi vous détournez-vous de cette recommandation ? Par Allah, je la lancerai entre vos épaules (c-à-d : je la diffuserai parmi vous) ».

 

 

Dans les deux Sahîhs également, d'après ʻUrwah ibn al-Zubayr, que ʻAbdallah ibn al-Zubayr (qu’Allah soit satisfait de lui), rapporte qu'un homme des Ansâr se disputa avec al-Zubayr devant le Messager d’Allah () au sujet des canaux d'irrigation d'al-Harrah utilisés pour arroser les palmiers. L'Ansari dit : « Laisse passer l'eau », mais al-Zubayr refusa. Ils portèrent leur différend devant le Messager d’Allah () qui dit à al-Zubayr : « Arrose tes plantes, ô Zubayr, puis laisse l'eau à ton voisin ». L'Ansari se mit en colère et dit : « Ô Messager d’Allah, car il est le fils de ta tante ? » Le visage du Prophète () changea de couleur, puis il dit : « Arrose tes plantes, ô Zubayr, puis retiens l'eau jusqu'à ce qu'elle atteigne les murs ».

 

 

Dans les Sunan d'Abû Dâwûd, d'après Samurah ibn Jundub : « Il avait quelques palmiers dans le jardin d'un homme des Ansar. Cet homme vivait avec sa famille dans ce jardin et Samurah y entrait, causant de la gêne et des ennuis à l'homme. Celui-ci demanda à Samurah de vendre ses palmiers, mais il refusa. Il demanda à les échanger, mais il refusa également. Alors, l'homme se plaignit au Prophète () qui demanda à Samurah de les vendre, mais il refusa. Il lui demanda de les échanger, mais il refusa. Le Prophète () lui dit qu’elles lui appartenaient et lui proposa un échange avantageux, mais il refusa. Le Prophète () dit alors : « C’est toi qui causes le tort ». Puis il dit à l'Ansari : « Va, et déracine ses palmiers ».

 

 

3. Protéger l'honneur du voisin

Il est bien connu que l'adultère fait partie des plus grands péchés, mais la Sunna insiste sur le fait que ce crime est encore plus grand lorsqu'il est commis par un voisin avec la femme de son voisin. C'est une trahison envers Allah, exalté soit-Il, et envers le droit du voisinage. Dans les deux Sahîhs, Abdallah ibn Masʻoud (qu’Allah soit satisfait de lui), rapporte : « J'ai demandé au Messager d’Allah () : Quel est le plus grand péché auprès d’Allah ? Il a répondu : ‘‘Associer une divinité à Allah alors qu'Il t'a créé’’. J'ai dit : ‘‘C'est vraiment grave. 'Ensuite, quel est le suivant ?’’ Il a dit : ‘‘Tuer ton enfant par crainte qu'il ne partage ta nourriture’’. J'ai dit : ‘‘Ensuite, quel est le suivant ?’’ Il a dit : ‘‘Commettre l'adultère avec la femme de ton voisin’’ ».

 

 

L'imam al-Nawawi, dans son commentaire sur Mouslim, explique que « commettre l'adultère » signifie le faire avec son consentement, ce qui inclut non seulement l'acte d'adultère, mais aussi la corruption de la femme, la détourner de son mari et l'attirer vers l'adultère, ce qui est encore plus vil. C'est particulièrement grave avec la femme du voisin car le voisin s'attend à ce que son voisin soit un protecteur et protège sa famille, qu'il se sente en sécurité avec lui et qu'il lui accorde des faveurs. Si cette confiance est trahie par l'adultère avec sa femme, c'est la pire des abominations.

 

 

Dans le Musnad de l'imam Ahmad, al-Miqdâd ibn al-Aswad rapporte que le Messager d’Allah () a demandé à ses compagnons : « Que dites-vous de l'adultère ? Ils répondirent : ‘‘Allah et Son Messager l'ont interdit, jusqu'au Jour du Jugement’’. Le Messager d’Allah () a dit : ‘‘Commettre l’adultère avec dix femmes est moins grave que de le commettre avec la femme de son voisin’’. Puis il dit : ‘‘Que dites-vous du vol ?’’ Ils ont répondu : ‘‘Allah et Son Messager l'ont interdit, jusqu'au Jour du Jugement’’. Il dit : ‘‘Voler dix maisons est bien moins grave que de voler la maison du voisin’’ ».

Comme l'explique al-Munâwi dans Fayd al-Qadîr, le droit du voisin sur son voisin est qu'il ne le trahisse pas en ce qui concerne sa famille. Si cela se produit, la punition pour cet acte est équivalente à celle de dix actes d'adultère.

 

 

Ce sont quelques-uns des droits spécifiés dans les hadiths. En réalité, bien traiter son voisin inclut toute bonne conduite, comme la générosité, l'aide et la bienveillance. La bienfaisance envers le voisin comprend avant tout l'abstention de nuire et l'évitement de tout acte pouvant lui causer du tort ou de la peine. Ce que la Sunna précise en termes de droits du voisin complète et confirme ce qui est ordonné dans le Coran concernant la bienfaisance envers le voisin.

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