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Dire à son épouse « je te libère »

Question

As salam aleykoum Le verset 229 de la sourate al-Baqara parle de la libération comme un divorce irrévocable. Dans l'une de vos fatwa vous affirmez que la libération fait partie des termes explicites du divorce. Mais après avoir lu le verset j’ai l’impression que la libération parle de divorce irrévocable. J’aimerais donc savoir, un mari qui dit une fois « je te libère » à sa femme, n’a-t-il plus le droit de la reprendre ? N’ayant pas l’intention de la divorcer et ne sachant pas que c’est explicite ?

Réponse

Louange à Allah et que la paix et la bénédiction soient sur Son Prophète et Messager, Mohammed, ainsi que sur sa famille et ses Compagnons :

Les savants ont divergé quant à savoir si le terme « as-sarâh » (libération) constitue une formule explicite de divorce (ṭalâq) ou non. Selon l’avis qui le considère comme une formule explicite, le divorce prend effet même sans intention de divorcer. Mais selon l’avis – plus juste – qu’il ne s’agit pas d’un terme explicite, alors l’effet juridique dépend de l’intention de celui qui le prononce : si le mari n’avait pas l’intention de divorcer, le divorce n’a pas lieu.
L’imam al-Boukhârî a d’ailleurs consacré un chapitre dans son Sahîh intitulé :
« Chapitre : Si un homme dit : “Je t’ai quittée (fâraqtuki)”, ou “Je t’ai libérée (sarrahtuki)”, ou “Tu es libre”, ou “Je suis désengagé”, et qu’il n’entendait pas par là le divorce, alors cela dépend de son intention. »
Ibn Qudâma – qu’Allah lui fasse miséricorde – a dit dans Al-Mughnî :
« Les formules explicites de divorce sont au nombre de trois : ṭalâq (divorce), firâq (séparation), et sarâḥ (libération), ainsi que leurs dérivés. C’est aussi l’avis de l’imam al-Shâfi‘î.
Abû ‘Abd Allah Ibn Hâmid a cependant soutenu que seule l’expression ṭalâq est une formule explicite, à l’exclusion des autres termes. C’est également l’avis d’Abû Hanîfa et de Mâlik.
Et l’avis d’Ibn Hâmid est le plus juste : en effet, une formule explicite est celle qui, par son usage, ne désigne que ce sens, sauf de façon très éloignée. Or, les mots firâq (séparation) et sarâḥ (libération) ont été utilisés dans le Coran pour d’autres significations.
Par exemple :
Et cramponnez-vous tous ensemble au câble d’Allah et ne vous divisez pas (tatafarraqû)” (Coran 3/103)
Et ceux à qui le Livre a été donné ne se sont divisés (tafarraqa)…” (Coran 98/4).
Il n’y a donc pas lieu de restreindre ces termes à la séparation conjugale.
De plus, dans le verset : “Ou bien renvoyez-les avec bienséance (fariqûhunna)”, il ne s’agit pas de l’acte de divorce, mais de l’abstention de les reprendre après un divorce.
Et de même dans : “Ou bien libérez-les (tasrîh) avec bienveillance” (Coran 2/229), ce n’est pas une formule de divorce en elle-même.
Contrairement au mot ṭalâq qui, lui, est exclusivement utilisé pour désigner le divorce, et dont le sens est compris immédiatement sans besoin d’indice contextuelle.
Ainsi, selon ces deux avis :
– Si l’on dit : “Je t’ai divorcée” (tallaqtuki), ou “Tu es divorcée” (anti tâliq), ou “Tu es répudiée” (mutallaqa), le divorce prend effet même sans intention.
– Tandis que si l’on dit : “Je t’ai quittée” (fâraqtuki), ou “Tu es séparée” (mufâraqa), ou “Je t’ai libérée” (sarrahtuki), ou “Tu es libérée” (musarrâha), alors selon ceux qui considèrent ces termes comme explicites, le divorce est valide même sans intention. Mais pour ceux qui ne les considèrent pas comme tels, le divorce ne prend effet que si l’on en avait l’intention.
Et si la personne précise par exemple : “J’entendais par-là : je me suis éloigné de toi physiquement ou émotionnellement, ou selon mon avis ; ou que je t’ai libérée de ma charge ou de ma préoccupation ; ou encore que j’ai coiffé tes cheveux”, alors sa déclaration est acceptée. » Fin de citation.
Et Cheikh al-Islâm Ibn Taymiyya a dit dans Majmû‘ al-Fatâwâ (20/536) :
« Les mots sarâḥ (libération) et firâq (séparation) dans le Coran sont aussi employés dans des contextes autres que celui du divorce. Allah dit :
Ô vous qui avez cru ! Lorsque vous épousez des croyantes puis que vous les divorcez avant de les avoir touchées, vous ne pouvez leur imposer un délai d’attente. Donnez-leur une compensation et libérez-les (sarrihûhunna) avec beauté.
Il s’agit ici d’un divorce prononcé avant la consommation du mariage, donc d’un divorce non révocable. Pourtant, malgré cela, le terme libérez-les (sarraḥûhunna) est employé après le divorce, ce qui prouve que sarâḥ n’est pas une formule de divorce en soi, par consensus des musulmans. »
Et il est dit dans Al-Mawsû‘a al-Fiqhiyya :
« Selon l’avis le plus répandu chez les shafi‘ites, et également selon Al-Khiraqî parmi les hanbalites, les mots firâq et sarâḥ ainsi que leurs dérivés sont des formules explicites de divorce, car ils sont employés dans ce sens dans le Coran.
Mais la majorité des savants estiment que ces termes ne sont pas des formules explicites, car ils sont souvent employés dans d’autres contextes. Ils sont donc considérés comme allusifs (kinâya) du divorce. » Fin de citation.
En résumé :
Si un homme dit à son épouse : “Je t’ai libérée (sarrahtuki)” sans avoir l’intention de divorcer, alors le divorce ne prend pas effet selon l’avis majoritaire des savants.
Mais s’il a dit cela en ayant l’intention de divorcer, alors le divorce est valide.
Et si c’est un premier ou deuxième divorce, il peut la reprendre tant que son délai de viduité (‘idda) n’est pas terminé.

Et Allah sait mieux.

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